Christian, c’est une satisfaction de retrouver la Bretagne ?
Ce n’était pas capital dans mon choix, mais c’est important de partir, pour apprécier y revenir.
Les supporters attendent du jeu au Roazhon Park. Est-ce une pression ?
Je viens pour ça. Il y a trois choses pour réussir. La première, c’est la vision, du foot et du jeu. La deuxième, c’est une méthodologie. Je l’ai construite au fil du temps, des années, des expériences. Le troisième aspect, qui n’est pas anodin, c’est du caractère et de la personnalité. Dans la compétition, il y a toujours des moments difficiles. Il faut avoir cette ténacité pour garder le cap. Avec mon caractère breton, je suis têtu, je suis prêt à affronter les vents contraires. Il y a les aléas de la compétition mais quand on arrive à concilier les trois, on est sur la bonne voie.
« je ne me satisfais pas d’une victoire dans la médiocrité »
Pensez-vous pouvoir reproduire le beau jeu que vous avez proposé dans le passé, à Lorient notamment ?
Vous ne m’entendrez jamais parler de beau jeu mais de jeu. Il est beau quand on le joue. Il y vingt ans, on ne parlait pas de beau jeu, mais du jeu. Le sport et le football, ça doit être de l’épanouissement. Les résultats en sont les fruits. C’est ce qu’il faut faire comprendre. Toute ma vie, ma carrière, je me suis battu contre l’opposition du résultat et de la manière. C’est la manière qui conduit au résultat. On joue pour gagner. Je suis un très mauvais perdant mais je ne me satisfais pas d’une victoire dans la médiocrité. Car ça ne débouche pas sur la progression.
On dit les supporters rennais fins connaisseurs de football, vous confirmez ?
Je ne veux pas faire de régionalisme aveugle et primaire mais ici il y a des valeurs d’authenticité qui sont appréciables. Dans les années 60, Nantes et Rennes étaient des bastions d’un jeu de qualité. Elles ont été des références pendant longtemps. L’objectif est que Rennes redevienne une référence. Il y a une attente.
J’espère que j’aurai l’occasion de rencontrer les supporters pour leur expliquer ma philosophie et mes valeurs.
Vous avez observé quelques matchs de la CFA2, promue cette saison en CFA. Il était important de se projeter ?
Il est nécessaire d’avoir un maximum de lisibilité. C’était difficile pour moi d’aller voir un match à la Piverdière car les rumeurs m’ont gêné, pour le club et pour Rolland Courbis. J’ai essayé de me cacher à Guingamp car je tenais à voir les jeunes rennais. Cela m’a permis d’avoir une vision, de situer les joueurs. Je connais leur coach, Julien Stéphan, qui était à Lorient. J’ai échangé avec lui. On va travailler en étroite collaboration. L’idée est d’intégrer les jeunes le plus rapidement possible.
La montée est une bonne nouvelle car le niveau CFA est tout de même nettement supérieur à celui de la CFA2. Cela permet aux Espoirs de prendre un peu plus le rythme de la compétition.
Les infrastructures du stade et du centre d’entraînement ont bien changé depuis votre dernier bail. Vous appréciez leurs évolutions ?
Cela va de pair. Un club ne peut pas grandir si les infrastructures ne se développent pas. C’est indispensable, comme les conditions d’accueil. C’est ce qui permet de pérenniser un club.
« Le foot, conditionné au spectacle sur le terrain, c’est passer une bonne soirée. »
Et que pensez-vous de la nouvelle version du Roazhon Park ?
Visuellement, le stade est beau. En tant que spectateur lorsque j’y allais, et pour les personnes qui m’accompagnaient, c’est un stade où l’on se sent bien. Le foot, conditionné au spectacle sur le terrain, c’est passer une bonne soirée. L’environnement est serein. J’ai quitté la sélection algérienne car il y avait un climat d’agressivité qui ne cadre pas avec le sport, qui ne permet pas d’apprécier les matchs. Ce n’est pas spécifique à la Bretagne mais, ici, c’est mesuré, c’est un atout.
Vous avez fait éclore de nombreux joueurs, aujourd’hui de renommée internationale. Y a t-il une patte Christian Gourcuff ?
C’est la conjugaison du recrutement et du travail. La difficulté, dans le football, c’est que l’on est jugé tout de suite. Il ne faut pas être naïf mais réaliste. Il faut d’abord amener les joueurs à une forme de travail, on peut voir ensuite s’ils peuvent évoluer ou non.
Cela commencera par la préparation physique…
C’est un moment privilégié. Ça me permettra de juger les uns et les autres, même si on sait qu’on ne disposera pas d’un effectif au complet à cause des compétitions internationales.
Qui sera votre adjoint ?
Michel Audrain, que j’ai connu à Lorient. Il connaît très bien mes méthodes de travail. On est resté en contact. On s’était mis d’accord que s’il y avait la possibilité de retravailler ensemble, on le referait. Il a répondu à ma sollicitation avec beaucoup d’enthousiasme. C’est en plus un ancien Rennais (1987-1989), c’est idéal.
« On va développer au maximum le travail d’individualisation »
En tant que nouvel entraîneur du Stade Rennais F.C., vous vous êtes déjà mis au travail ?!
On s’est vu ce matin avec le staff (mardi 17 mai) pour faire connaissance et donner les grandes lignes du travail. Sur le plan de la répartition des tâches, tout est calé. J’apprécie aussi les relations avec le docteur, Rufin Boumpoutou, qui est un passionné, avec lequel on va se rapprocher pour la préparation physique. On va développer au maximum le travail d’individualisation, pour la recherche de l’excellence. J’ai pas mal d’idées sur ce développement de la préparation. Avec les compétences qui sont au club, ça me plait bien.
Quel est le programme de vos prochaines semaines ?
Il y a deux volets. La partie recrutement avec Jean-Luc Buisine et les différentes composantes du club. Je reste à ma place, c’est important. Chacun ses responsabilités. Il y ensuite le travail de la préparation. Chose à laquelle j’ai déjà pensé. Je vais peaufiner cela. La passion, ce n’est pas du travail.
La passion, le travail, les infrastructures… ce sont les clés de la réussite ?
Il faut de l’enthousiasme et l’envie de faire les choses ensemble. Il faut que chacun se sente important dans son domaine. Les entreprises qui marchent sont celles où les personnes s’impliquent à fond. Cette harmonie ne se fera que par le relationnel, la joie et la passion. Pour avoir des résultats à long terme, je suis persuadé que ça ne peut se faire que par le plaisir et la recherche du jeu.
Votre force, c’est la pédagogie ?
Je me méfie de cela car on me colle l’étiquette de professeur, près de l’ordinateur. J’ai été un footballeur frustré, de n’avoir évolué au très haut niveau. J’ai pris du plaisir mais j’en voulais encore plus. Mon engagement en tant qu’entraîneur, c’est de retranscrire cette frustration, pour donner ce plus aux joueurs, au public et égoïstement pour moi.
On vous sent heureux de retrouver le Stade Rennais F.C…
J’ai l’enthousiasme d’un jeune et la sérénité d’un vieux.
Christian Gourcuff à Rennes pour « le plaisir et la recherche du jeu »
Christian Gourcuff est officiellement le nouvel entraîneur du Stade Rennais F.C. L’ancien sélectionneur de l’Algérie a retrouvé la Bretagne et le Centre d'entrainement Henri Guérin avec une très grande joie. Son ambition ? Donner du plaisir à ses joueurs et aux supporters.