Après le site interactif auferrouge.com, une statue en hommage à Jean Prouff, des pochoirs géants à l’effigie de joueurs emblématiques du Stade Rennais F.C., un maillot collector… le Stade Rennais F.C., pour ses 120 ans, dévoile un ouvrage photographique constitué de clichés rares illustrant l’importance du SRFC et de son rôle social dans la Cité.
Le Stade Rennais F.C. est né il y a 120 ans et ses supporters n’ont jamais cessé de vibrer au gré des performances sportives du club. À l’occasion de cet anniversaire, le Stade Rennais F.C. et les Éditions du Coin de la Rue publient un ouvrage de photographies qui relève du témoignage social racontant les rituels d’avant-match, l’expression populaire du soutien et de la joie, l’affirmation d’une identité… Un retour en images, sur plus d’un siècle de stade.
<< JE PRÉ-COMMANDE L'OUVRAGE DES 120 ANS >>
Avant-propos par Benjamin Keltz
Soudain, tout s’arrête. Dans cette pièce exiguë située sous la tribune du Roazhon Park bordant la route de Lorient, les têtes se lèvent. On tient encore quelque chose. C’est sûr. Exhumée des caisses d’archives du Stade rennais, une photographie en noir et blanc froissée et aux bords déchiquetés passe de main en main. Elle date probablement des années 1970. Dessus, trois mômes d’une dizaine d’années. Trois supporters du Stade rennais, évidemment. Ils sont habillés aux couleurs du club et posent fièrement devant une tribune composée de tubes d’acier, dressée derrière l’un des buts du Parc des sports de la route de Lorient. Le terrain est vide. Les travées, désertes. Les gamins ont les genoux boueux, mais leurs shorts et leurs maillots sont impeccables. Face à l’objectif, les adolescents se tiennent bras croisés, comme satisfaits du travail accompli. Ces mômes ont les genoux sales parce qu’ils ont, très certainement, passé leur dimanche après-midi à jouer les ramasseurs de balles sur le bord du terrain. Quatre-vingt-dix minutes à guetter la moindre sortie du ballon de l’aire de jeu pour le renvoyer le plus rapidement possible aux joueurs professionnels. Pour éviter de gêner les spectateurs derrière eux, les adolescents ont vécu le match accroupis, les genoux trempant dans la boue, prêts à bondir. Ces enfants sont adultes aujourd’hui. Probablement toujours mordus du Stade rennais. Cette photo est un souvenir d’enfance. La genèse d’une passion. On ne peut pas être, gamin, ramasseur de balles d’une équipe, et l’oublier une fois adulte. Ces trois-là ont forcément conservé une affection particulière pour les Rouge et Noir. Pas de doute, ce cliché mérite de rejoindre la pile de documents susceptibles de nourrir le contenu de cet ouvrage alors en projet. Oui, cette image est un fragment de l’histoire du supportérisme rennais.
À peine posé, ce cliché nous rappelle à l’ordre. Une étrange impression de déjà-vu. Un doute. Et si... Ce môme à gauche : cheveux longs, regard rieur, sourire espiègle. Il lui ressemble, non ? La fameuse photo circule de nouveau de main en main. Effectivement, ça pourrait être... Oui, c’est sûr, c’est lui : François-Henri Pinault. Avant d’avoir été propriétaire du club, il a été un supporter comme un autre. À l’époque, il habitait au 96 de la route de Lorient, jouait sous les couleurs du Stade rennais et aimait renvoyer les ballons aux footballeurs professionnels le week-end. Comme des milliers de Rennais avant et après lui, il était aimanté par ce stade. La preuve en image. Cette photo donne davantage de sens aux mots que François-Henri Pinault m’avait confiés en juillet 2012. Je l’avais rencontré dans le cadre d’un précédent ouvrage sur les supporters du Stade rennais. Ce beau-livre s’appelait d’ailleurs Supporters du Stade rennais, 100 ans de passion Route-de-Lorient. Il s’agissait d’un plaidoyer pour les fans rennais dont je fais partie. Nous traversions l’une des périodes les plus shakespeariennes de l’histoire du club. À plusieurs reprises, nous avions caressé du bout des doigts le bonheur d’un titre. Brutalement, il nous échappait. Systématiquement. Cruellement. Notre équipe s’effondrait. Et les espoirs des milliers de supporters avec. Dans une salle du stade municipal de Ploërmel, tandis que les joueurs s’échauffaient pour disputer un match amical, François-Henri Pinault m’avait déclaré comme une évidence : « Notre équipe ne peut pas vivre sans son public. C’est impensable. Le public sans le club ? Il s’en remettra. Le club sans le public ? Jamais. Ce n’est pas un choix. C’est un fait ». Ce jour-là, il n’avait pas parlé des titres manqués ni des performances de son équipe, mais des gens. Devant cette photo en noir et blanc, je mesure combien ses mots étaient autant ceux du propriétaire du club que ceux de l’ancien ramasseur de balles.
Ceux aussi d’un fils qui partage avec son père, François Pinault, cette passion qui avait décidé ce dernier à reprendre le club en 1998. La fidélité d’un public ne se néglige pas. C’est particulièrement vrai à Rennes. Mille fois, les supporters auraient pu abandonner. Mille fois, la flamme aurait pu s’éteindre au fil des décennies à espérer de grandes émotions. La passion a pourtant toujours pris le pas sur la raison. Depuis plus d’un siècle, les Rennais continuent de soutenir leur club né officiellement en 1901. Peu après cette naissance, l’assistance composée de spectateurs est devenue un véritable public de supporters. Il suffit de relire la presse d’antan pour le comprendre. Le 11 février 1912, par exemple, le Stade rennais affrontait le rival de l’époque, Saint-Servan, en finale de Coupe de Bretagne. Ce dimanche-là, 4 000 mordus des Rouge et Noir encourageaient en « transe », selon L’Ouest-Éclair, leur équipe. En cette veille de Première Guerre mondiale, le Stade rennais fédérait déjà malgré les différences d’âge, de sexe, de classes sociales, de convictions religieuses et politiques...
C’est de cette fidélité hors norme dont il est question dans ce livre. À l’occasion des 120 ans du club, le Stade rennais et les Éditions du coin de la rue ont décidé de raconter le supportérisme rennais à travers le siècle. Avec Marc Brassart, graphiste créatif du club assurant la codirection de cet ouvrage, nous avons écumé toutes les archives disponibles sur le sujet. Celles de l'institution, évidemment. Mais aussi les fonds de la Ville de Rennes, du musée de Bretagne, de collections personnelles, du Roazhon celtic kop... Les scrupuleux bénévoles du site Internet Rouge Mémoire ont irrigué notre quête. Nous nous sommes ensuite plongés dans les photothèques de dizaines de photographes professionnels ou amateurs, ayant immortalisé cette exaltation bretonne. Nous avons ainsi compilé plus de 200 000 images. Cette masse de clichés s’est imposée comme une évidente trame narrative. Pour raconter la ferveur rennaise, il faut la montrer.
Alors, nous avons fait le tri de ce vertigineux kaléidoscope rouge et noir pour isoler quelque 250 images qui, une fois mises bout à bout, ont permis d’écrire le récit d’une passion. Au fer rouge narre donc la vie des travées rennaises à travers le siècle mais raconte également l’évolution de la société rennaise et bretonne. Tout a changé. Le stade, les coupes de cheveux, les habits, les manières de clamer son soutien, la relation aux joueurs... Tout a changé, mais au fond, rien n’a changé. La passion pour le Stade rennais semble immuable. Intemporelle. Voilà ce que décrivent les pages qui suivent, riches de 250 photographies et d’une vingtaine de témoignages. Toutes les images ont été volontairement traitées en noir et blanc par souci d’harmonie. Cet ouvrage est un voyage dans le temps. Une partie de ping-pong entre hier et aujourd’hui.
Les premières pages mettent en scène l’avant-match et ses rituels. Écharpes et galettes-saucisses. Traque d’une place de parking et enfants à initier. Tickets à déchirer et Ave Maria. Matchs de coudes le long de la main courante et tapes dans le dos au local des supporters. Peu importe l’époque, on va au match comme on se rend à l’église. La grand-messe du week-end est solennelle. Charles Barmay a notamment capté ces ambiances populaires. Cet ancien directeur de la photogravure du journal Ouest-France a figé les habitudes de la Route-de-Lorient des années 1960 et 1970 avec tant de tendresse et une telle justesse que ses prises de vue font de lui le Doisneau rennais. Son travail irrigue Au fer rouge.
Puis, il y a le match. Le stade se mue en arène. Qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente, les aficionados encouragent. Notre récit conte l’adversité à laquelle les supporters sont confrontés. Elle dépasse le temps du match. À Rennes, elle dure. Être fan du Stade rennais relève du chemin de croix. « Une religion sans paradis », disait même Christophe Monnier, l’un des fondateurs du Roazhon celtic kop. Pourtant, lui comme des milliers de fans ont conservé la foi. Ils ont continué d’espérer que la machine à émotions leur sourirait, un jour. Pour montrer la ferveur rennaise et, parfois même, sa résilience, nous avons extrait des poignées d’images de mes archives. Depuis le début des années 2010, je photographie au plus près les supporters. Ce livre mobilise aussi le travail de nombreux autres photographes, comme Pierre Minier. Ce professionnel de l’image a passé une grande partie de sa carrière à “shooter” le spectacle de la pelouse, mais n’a jamais oublié de se retourner pour figer les scènes de vie qui se jouent derrière lui. Son travail documente notamment la troisième partie de cet ouvrage : l’orgasme du stade. Lorsque le ballon touche les filets adverses, l’enceinte s’embrase en un claquement de doigts. Dans les années 1950 ou 2020, un but suffit à faire chavirer l’assistance dans une ivresse collective.
Ces jouissances d’un instant alimentent la passion. Le graal du supporter est cependant ailleurs. Il se nomme communion. N’importe quel aficionado vit pour ce temps suspendu où le public et son équipe ne font qu’un. Dans l’histoire du Stade rennais, on n’en recense qu’une poignée. Michalowski Sigismond, ancien correspondant de guerre, et Gérard Prudor, ex-photographe de la Ville de Rennes puis du musée de Bretagne, ont immortalisé, chacun à leur manière, les liesses populaires après les victoires du Stade rennais en Coupe de France 1965 et 1971. Leurs précieuses images reproduites au fil des pages résonnent comme un écho avec celles des célébrations de 2019. On peine à croire qu’un demi-siècle sépare les photographies de la place de la Mairie noire de monde tant elles se ressemblent. Ces moments de communion ont soudé le public, la ville et, parfois même, la région. C’est ça et ça a toujours été cela, le football : des émotions partagées. Il est également question de fierté dans ce livre. Le Stade rennais incarne son territoire dans une immémoriale guerre de clochers. Voilà aussi ce que traduisent les images des dizaines d’auteurs qui ont accepté de participer à notre mise en récit : Alexandre Lemaire, Mickaël Le Frapper, Marc Brassart, Vincent Peton, Pascal Fromont, Aurélie Le Goudiveze, David Leforestier, Laurent Touchet, Trib-dirt... Derrière les Gwenn-ha-Du brandis et les tifos déployés, il y a l’expression de valeurs et d’une identité communes. Les amoureux du Stade rennais ont beau être différents, ils se retrouvent dans ce club. Peu importe que le Roazhon Park ait changé de nom et de forme au fil du siècle. Ce temple du football rennais reste une maison de famille dont on se transmet les clés de génération en génération. À tel point que cet ouvrage ne parle finalement pas de football. Au fer rouge est un livre d’histoires. Un album de famille qui fige la mémoire collective d’une passion. Les pages que vous vous apprêtez à feuilleter montrent, racontent et expliquent tout simplement qui nous sommes. Nous, les supporters du Stade rennais.
Le Stade Rennais F.C. et les Éditions du coin de la rue remercient :
Les supporters qui nous ont confié leur témoignage,
Les photographes professionnels et amateurs qui ont contribué à la confection de cet ouvrage,
Le Stade rennais tient à remercier chaleureusement ses partenaires ayant soutenu les initiatives mises en œuvre à l’occasion des 120 ans du club : Samsic, Groupe Launay, Système U, Groupe Le Duff, Ville de Rennes
Les amoureux du patrimoine qui veillent à la conservation de pans de l'histoire locale au musée de Bretagne, aux archives de Rennes et ailleurs,
Les photographes qui ont immortalisé l'histoire de la ferveur rennaise,
Le musée de Bretagne et notamment Céline Chanas, Hélène Audrain et Fabienne Martin-Adam pour leur efficacité,
La famille Rubeaux qui a permis l'exploitation du travail de Charles Barmay, Rouge Mémoire et plus spécialement ses fondateurs Fabrice Pinel et Matthieu Lecharpentier,
Crédits Photos :
Charles Barmay
Pierre Minier - Ouest-Médias
Benjamin Keltz
Fonds Roazhon Celtic Kop
Alexandre Lemaire
Mickaël Le Frapper
Trib-Dirt photographie
Archives de Rennes
COLLECTION MUSÉE DE BRETAGNE
Créations artistiques Heurtier
Gérard Prudor
Michalowski Sigismond
Marc Brassart
Marie Chareyre
Pascal Fromont
Xavier Hinnekint
Romain Joly
Aurélie Le Goudivèze
David Leforestier
Olivier Marie
Vincent Peton
Laurent Touchet
Marthe Weber