À peine la saison terminée, l’entraîneur rennais est déjà en pleine réflexion pour préparer la 24ème année consécutive du club en Ligue 1 avec intelligence et cohérence. À l’issue d’une saison qui place le Stade Rennais F.C. 9ème au classement, Christian Gourcuff fait le bilan avec des déceptions bien sûr mais surtout des espoirs.
Christian, quel bilan tirez-vous de cet exercice 2016/2017 ?
C’était une saison difficile. Sur le plan comptable, on est à une 9ème place qui reflète bien notre saison. Je pense que les blessures ont eu une part importante. On avait un effectif conséquent mais on a connu des blessures. Des joueurs importants n’ont pas pu évoluer à leur meilleur niveau physique, ce qui nous a un peu plombé dans la régularité. Indépendamment de ces problèmes physiques, le manque de percussion offensive nous a suivi tout au long de la saison. La perception de la saison entre la phase aller et la phase retour fait ressortir deux éléments principaux. Durant la phase aller, nous avons eu beaucoup plus de rencontres à domicile, créant un déséquilibre pour la phase retour. On a aussi arraché des victoires dans les dernières minutes nous permettant d’être cinquièmes à un moment de la saison mais avec au moins 3 matchs de plus disputés au Roazhon Park. Lors de la poule retour, on a eu davantage de consistance sur le plan collectif malheureusement cela a été vite plombé par des absences notamment celle de Morgan Amalfitano. En trois matchs, il avait réussi à montrer tout ce qu’il pouvait nous apporter avant de se blesser. On a aussi connu une série de matchs nuls qui sur le plan comptable ne nous permettait pas d’avoir une sécurité suffisante. Le climat s’est un peu tendu au fil des matchs.
C’est lorsqu’ils étaient dans des pentes ascendantes que certains cadres se sont blessés…
Dans une saison, il y a toujours des blessures. On travaille très sérieusement avec un service médical très performant. Il faut trouver le juste milieu entre maximiser la préparation et éviter les blessures. On est conscient que des joueurs comme Yoann (Gourcuff), Clément (Chantôme) ou Morgan (Amalfitano) avaient des risques de blessure plus importants. C’est à nous d’adapter le rythme d’entraînement et de jeu pour leur permettre d’être performant sur le terrain tout en leur évitant la blessure.
Les statistiques ne font pas tout mais votre équipe a montré qu’en terme de possession et de passes réussies, vous étiez très souvent au dessus de vos adversaires…
Sur la qualité des productions, nous n’avons pas à rougir. Bien souvent, nos adversaires sont les premiers défenseurs de nos prestations. Il y a un décalage entre ce que les gens entendent et la réalité sportive. Malheureusement, les personnes sont souvent influencées par ce tourbillon médiatique et les propos de journalistes qui bien souvent ne voient même pas les matchs. Le public est pris dans ce jeu médiatique. On arrive à faire abstraction de cela dans le travail mais l’image du club en pâtit et c’est cela qui est révoltant. On est dans une société de résultats et tout ce que vous pouvez faire, mais qui n’a pas de résultats immédiats, n’est pas pris en considération.
Au final, vous n’échouez pas si loin de la 6ème ou 7ème place !
Il faut être clair, nous n’avons pas un effectif pouvant rivaliser avec celui de Marseille. Concernant Bordeaux, nous avons joué deux matchs de qualité face à eux. Je ne suis pas loin de penser que c’est d’ailleurs à Bordeaux que nous avons joué notre meilleur match à l’extérieur de cette saison.
Qu’a t-il manqué pour pouvoir passer devant Bordeaux ou encore Saint-Étienne ?
Très clairement, la différence entre Bordeaux et nous se fait sur les joueurs capables de faire la différence individuellement. On a aussi un déficit sur le plan de la vitesse et de l’impact. Nos meilleurs matchs ont été réalisés face à des équipes qui posent le jeu, je pense à Nice et Lyon. On a été plus en difficulté dans des contextes de combat où nous avons davantage souffert.
Pour cette 1ère année, il y a eu de l’observation et il a fallu poser les fondations. Le nombre conséquent de joueurs a t-il été préjudiciable ?
Oui mais cela a été géré de la meilleure des façons. Nous avons eu une saison sans problème relationnel dans le groupe. Je ne demande pas du temps. À la fin de la préparation, les choses étaient claires. Ensuite, la mise en place des principes de jeu dépend de la capacité des joueurs à comprendre et intégrer le système. Notre rôle est de parvenir à tirer le maximum des joueurs présents.
La problématique de l’inter-saison se pose désormais, un joueur pouvant marquer au moins 15 buts par saison est rare et cher ?
Il faut que les supporters comprennent ce qu’est le Stade Rennais. L’actionnaire a une puissance financière permettant au club d’avoir une stabilité. L’investisseur n’a pas vocation à combler des déficits. Un club de football qui vit bien doit s’autogérer. Cela veut dire que nous ne sommes ni Marseille, ni Monaco, ni Paris. Après, il faut se servir de cette stabilité financière, de l’identité régionale, de l’identité de jeu et de la formation pour construire dans le temps. Le football moderne est marqué par ses dérives économiques, notamment des clubs anglais, ce n’est pas réaliste d’intégrer ce marché. Il faut travailler avec des jeunes en les formant pour installer une véritable identité dans la durée.
Certaines carences ont été identifiées, le mercato sera décisif ?
Un attaquant qui marque régulièrement est un joueur très cher. On s’était déjà posé la question au mercato d’hiver mais le marché est beaucoup plus fermé que lors de la période estivale. Il y a aussi des données économiques qui sont incontournables. Quand vous êtes responsable d’un club, vous ne pouvez pas faire n’importe quoi. L’arrivée de Firmin a été un vrai plus pour l’équipe, c’est une réussite. Nous observerons toutes les possibilités.
Quelles sont les ambitions sportives à moyen terme pour le club ?
Avoir une cohérence collective, ce que nous avons commencé à voir en fin de saison. Il faut aussi plus de fulgurances et de qualité dans l’efficacité et la maîtrise. La maîtrise sera meilleure à mesure que nous serons capables de faire des différences au tableau d’affichage. Le regret cette saison c’est de ne jamais avoir pu jouer avec deux buts d’avance, sauf face à Nice. On ne va pas se focaliser dessus mais si Firmin marque le 3ème but face à Nice, on peut voir une toute autre fin de match en prenant de la confiance et de l’envergure. On a toujours été dans l’expectative et cette incapacité à faire la différence au score s’est répercutée sur le manque d’aisance et ce sentiment constant de devoir jouer sur un fil. Il ne faut pas se croire plus beau que nous le sommes. Si on reprend le match face à Lorient, nous étions très diminués avec beaucoup de blessés, on s’arrache pour gagner ce match et c’est le tournant de la saison. Si on perd ce match, on se retrouve vite en difficulté au classement et psychologiquement aussi.
Il n’y a pas eu « LE » déclic cette saison qui aurait permis de libérer totalement cette équipe ?
Non car les résultats des rencontres n’ont pas toujours reflété le contenu de nos matchs. Par exemple, on réalise une très bonne prestation face à Lyon mais au final, on repart avec la défaite. On se retrouve avec une obligation de résultats ne permettant pas d’évoluer de manière totalement libérée. Nous avons aussi eu des problèmes de blessures tout au long de la saison. Dans la phase aller, notre bonne série à domicile a permis d’embellir cette première partie de saison.
Quelles sont les satisfactions de la saison ?
Globalement, il n’y a pas eu de problèmes dans le groupe et les joueurs ont bien travaillé. Le souci restant que le contenu développé à l’entraînement ne se reproduisait pas lors des matchs pour des raisons diverses. Sur le plan collectif, il faut avoir un jeu plus tranchant mais cela est lié à des capacités individuelles et notamment physiques. On a intégré des jeunes de façon intelligente. Joris Gnagnon en a parfaitement bénéficié, Ramy Bensebaini s’est également affirmé. Pour Adama Diakhaby, on a rapidement vu son potentiel car je suis allé le chercher dès le mois d’août pour qu’il intègre le groupe pro. Il aurait certainement pu nous apporter beaucoup plus s’il n’avait pas connu de blessures. C’est bien qu’il termine par ce doublé face à Monaco. Cela prouve que le potentiel est bien là mais c’est plus un problème mental. L’aspect mental est important auprès des jeunes joueurs pour qu’ils parviennent à franchir le cap.
Pour revenir au match face à Monaco, les supporters voulaient voir Sylvain Armand sur le terrain mais le scénario en a décidé autrement ?
Samedi, il y avait un match à enjeux à jouer. La compétition restait la priorité. Il y avait des choses que je pouvais anticiper comme donner le brassard à Benoit, ce qui n’avait pas de conséquence sur le match, et intégrer Sylvain dans le groupe. Après ces décisions, le résultat du match restait la priorité. Sur le match, il y a la blessure de Ramy qui nous ampute d’un changement. Nous sommes à 0-2 et je choisis de faire entrer Adama dans un souci de faire quelque chose dans le match. À dix minutes de la fin, on a la volonté d’égaliser et je fais le choix de faire entrer Nicolas Janvier. J’ai privilégié la compétition car j’ai des responsabilités par rapport au Stade Rennais, au public aussi. Et finalement, on s’aperçoit que la réduction du score d’Adama nous fait gagner 2 millions d’euros en passant devant Guingamp au classement. Si on avait pu égaliser, nous aurions pu gagner deux places supplémentaires et 4 millions d’euros. Si le scénario l’avait permis, j’aurais aussi sorti Benoît Costil pour une ovation en cours de match.
Comment va se décider le choix du successeur de Benoit Costil ? Allez-vous attendre la reprise des entraînements et les matchs amicaux pour prendre une décision ?
Cela fait un moment que nous sommes au courant du départ de Benoit. On a trois joueurs sous contrat mais dans le foot rien n’est jamais acquis. Cela nous permet d’être serein dans l’approche. Le départ de Benoît est une grande perte à la fois sportive et humaine.
Y aura-t-il des changements organisationnels ou structurels pour la saison à venir ?
Je ne pense pas. Notre centre d’entraînement est très agréable, convivial et fonctionnel. Concernant la pelouse, c’est une réflexion récurrente car pour moi c’est un élément primordial. Cela représente notre outil de travail et il doit être performant. La qualité des pelouses du centre d’entraînement est l’élément majeur. Au niveau du staff, il y a beaucoup de compétences à la fois professionnelles et relationnelles. La passerelle entre l’équipe 1ère et la CFA se fait très bien grâce notamment à Julien Stéphan, qui est un éducateur de qualité, avec qui j’entretiens des échanges quotidiens. Même si la compétence est là, le jugement se fait sur les performances. Il faut donc réussir à convaincre en proposant un jeu cohérent qui amène des résultats.
Sur un plan personnel, allez-vous profiter de la Bretagne durant ces vacances ?
Ce n’est pas le travail qui me fatigue mais tout ce qui se dit autour du club. En ce qui me concerne, le meilleur endroit pour me ressourcer reste effectivement la Bretagne mais je serai aussi toutes les semaines à la Piverdière pour préparer la reprise et la saison 2017/2018.