Né à Rennes, c’est dans la capitale bretonne qu’il a poussé ses premiers ballons avant d'en faire son métier. Formé au Stade Rennais F.C., il a joué 86 matchs professionnels. Jean-Luc Arribart a ensuite entamé une longue carrière de commentateur sportif. Pour les 120 ans du club, il se replonge dans ses souvenirs où le Rouge et le Noir ont teinté toute sa jeunesse.
Jean-Luc, vous faîtes partie de ceux qui ont trouvé leur destinée sur les bords de Vilaine…
Le Stade Rennais, c’est mon club originel pour lequel j’ai évidemment beaucoup d’affection. J’y suis venu un peu par hasard. À l’époque, il y avait pas mal de bons clubs à Rennes pour des jeunes footballeurs de dix ans. Il y avait la Tour d’Auvergne, le cercle Paul Bert et les Cadets de Bretagne. Je me souviens que Jean-Luc Ettori était lui au cercle Paul Bert. Avec un de mes copains, on est allés au Stade Rennais mais presque par hasard.
Vous aviez donc dix ans lorsque vous avez porté pour la première fois les couleurs Rouge et Noir ?
Oui avec le commandant Bonneville. Il s’occupait des Benjamins. C’était un ancien militaire passionné de foot et qui avait en charge les petits footballeurs en herbe. C’était une figure. C’était notre premier contact avec un enseignant de foot. Quand on a dix ans, ça marque forcément. C’était quelqu’un d’un peu atypique qui avait des guêtres et des pantalons larges de cavalier, c’était drôle. Le commandant Bonneville a été mon premier instructeur de football on va dire.
Un autre souvenir. On demandait aux pros de s’occuper de l’école de foot le jeudi après-midi. Je me souviens d’un moment avec Robert Rico. L’ailier gauche du Stade Rennais était venu nous voir en début d’après-midi et il mangeait un sandwich en nous regardant. Il m’en avait donné un bout, c’était magique (rires). Un pro qui me donne la moitié de son sandwich, c’est comme s’il m’avait donné un million d’euros !
Quel match retenez-vous ?
Comme joueur, c’est le premier match quand j’étais petit. Souvent c’était l’équipe réserve qui jouait en lever de rideau mais des fois, c’étaient les juniors et parfois des plus jeunes encore. Je devais être minime. Alors ça, le lever de rideau, c’est un grand moment. Pour un gamin du club, c’était le graal, le truc qui faisait rêver. On n’en dormait pas de la nuit avant le match. Il y avait déjà beaucoup de monde à venir en avant-match. Les gens s’installaient déjà dans les tribunes. Les pros venaient le long de la ligne de touche pour voir les crampons qu’ils allaient mettre et ils nous regardaient jouer.
J’ai un autre souvenir comme enfant du club, c’était la demi-finale de coupe de France en 1971 contre Marseille avec les tirs au but à la fin. On était tous agglutinés. Il y avait du monde partout. C’est incroyable cette ambiance qu’il y avait. Je faisais partie des gamins qui étaient tous près du terrain. C’était un moment fabuleux en termes de passion et d’émotion.
Beaucoup de souvenirs rattachés à l’enfance…
Le Stade Rennais F.C., c’est mon club de cœur, celui où j’ai connu mes premiers émois de footballeur et de coéquipier. C’était la compétition en équipe. C’est là que l’on forge la force d’un collectif. Appartenir à un groupe qui gagne, ce sont des valeurs importantes à donner aux enfants, le goût de l’effort pour un but commun, la générosité et la solidarité. Je pense que c’est essentiel de comprendre ça très tôt. On était fiers d’appartenir au Stade Rennais avec une équipe forte du championnat de France, le grand club de l’Ouest.
Et quel match en tant que joueur professionnel ?
Forcément mon premier, c’était à Reims. René Cédolin était l’entraîneur. Il y avait Raymond Keruzoré, Hervé Guermeur, Loïc Kerbiriou, Yves Le Floch, Alain Cosnard, Daniel Périault, enfin je n’ai pas toute la composition en tête mais je jouais milieu de terrain et René Cédolin m’avait donné comme objectif de marquer le meneur adverse, Georges Lech. Je suis arrivé avec les dents qui rayaient le sol des vestiaires. Le pauvre Georges Lech, avec qui je suis devenu ami car j’ai joué à Reims après, je l’ai taclé de partout, je l’ai massacré. Puis quand je suis arrivé à Reims, je lui en ai parlé et je me suis excusé. Il ne s’en rappelait plus. C’est peut-être pour ça que l’on est devenu amis (rires). Sur ce match, j’aurai pu marquer contre Marcel Aubour mais le ballon tape les deux poteaux. On avait perdu 2-1 et pour ma première à Rennes, c’était contre Nice.
Jean-Luc Arribart en compagnie de Florian Maurice et Nicolas Holveck
Quels sont les joueurs qui vous ont marqué ?
Daniel Rodighiero ! C’était un sacré joueur, chaussettes baissées. Un buteur d’une efficacité incroyable. Il aurait été dans un autre club, peut-être qu’on en aurait parlé dix fois plus. Il y a eu aussi Silvester Takač, un petit lutin bondissant incroyable, plein de gestes techniques, qui donnait tellement de dynamisme et d’enthousiasme. Il avait une façon de jouer emballante et rafraîchissante. Enfin, Laurent Pokou, j’ai eu le plaisir de jouer avec lui. C’était un joueur capable de faire des choses incroyables en mouvement, et insoupçonnables. Il était très doué.
Votre après carrière vous a amené à côtoyer de nombreuses observateurs et commentateurs de football. Comment le Stade Rennais F.C. est-il perçu ?
Ça a longtemps été un club perçu comme manquant de moyens et d’ambition. Un bon club mais qui ne pouvait pas jouer les premiers rôles. En plus, il y avait une sorte de malédiction. Perdre les finales contre Guingamp justifiait un peu le regard porté sur le Stade Rennais. On s’y sent bien, la ville est sympa, le club est bien géré mais on n’y gagne rien. Dieu merci, ça a changé avec la victoire en Coupe de France contre le Paris Saint-Germain. Il y avait tellement de frustration et d’attente chez les supporters que cela a été une vraie délivrance, de gagner enfin et pas contre n’importe qui, après avoir été mené. C’est encore plus beau et inattendu. Ça donnait encore plus de mérite à cette victoire. Le parcours européen contre Arsenal et Séville puis les bonnes saisons en championnat ont redonné beaucoup d’ambition au club et des résultats assez incroyables. Ce qui est assez terrible, c’est d’arriver enfin à se qualifier pour la Champion’s League et d’être obligé de la jouer à huis clos. Ça aurait été tellement beau dans ce magnifique Roazhon Park pour un public tellement chaud. On parle toujours du public de Lens ou de Marseille mais franchement les supporters du Stade Rennais sont magnifiques. C’est un vrai douzième homme. Ces supporters si fidèles ont été privés de ça.
Le regard des gens sur le club a changé. Le Stade Rennais est une équipe qui refuse de rester dans le ventre mou désormais. Avant, il y avait la plaisanterie de l’ascenseur. Il y a eu une sorte de prise de conscience, le Stade Rennais peut faire partie des meilleurs clubs. On doit y associer l’arrivée de François Pinault. Ça a rendu le club solide, serein et ambitieux. Ce qui s’est passé récemment est le fruit d’une stratégie, une organisation sportive et économique qui ont permis au club d’avoir de l’ambition et de casser ce plafond de verre.
Pour vous, qu’est-ce qui caractérise le SRFC en France ?
Les Rennais et les Bretons ont la chance d’avoir cette pérennisation au Stade Rennais. Le propriétaire n’est pas un fonds de pension ou un fonds d’investissement exotique, je trouve que l’on est privilégiés de ce côté-là. On a gardé une identité régionale très forte grâce à la famille Pinault. Le stade a été très bien rénové. C’est devenu une très belle enceinte maintenant capable d’accueillir beaucoup de monde mais qui a gardé son identité entre la route de Lorient et la Vilaine. C’est quelque chose d’important ça aussi. On n’est pas parti dans un stade ultra-moderne à l’autre bout de la ville. Historiquement, il est important de garder cette mémoire.
Vous soulignez là l’âme du Roazhon Park…
Il faut garder le côté route de Lorient et galette-saucisse. Je dis ça avec beaucoup d’affection. Cela fait quinze ans que je commente les matchs anglais. J’adore leurs ambiances. Je me sens bien chez les voisins grands bretons, ça doit être mon côté celte. J’adore arriver dans les stades et sentir cette odeur d’oignons frits. C’est très typique dans les stades anglais. Venir à un match, c’est du visuel, du sonore et de l’odorat, c’est la fête des sens. Si on me bande les yeux, je saurais deviner où je suis. C’est pareil à Rennes. Route de Lorient, ça sent la galette-saucisse. Historiquement, les parents et les grands-parents allaient au même endroit. À l’époque quand j’allais au stade avec mon père, un monsieur vendait des cacahuètes que l’on épluchait, on mangeait ça avant le match. Il y en avait partout par terre. Ça faisait partie du décor, du bon moment que l’on passait au stade. Quand il n’y avait pas les cacahuètes, ce n’était pas pareil (rires) ! À Rennes, il faut garder ça, cette ambiance. Le Stade Rennais continue à avoir cette forte identité régionale avec de l’ambition mais aussi de la raison dans un championnat où il y a tellement de déraisons.
#AuFerRouge