En plus de jouer un rôle prépondérant dans la deuxième meilleure défense de Ligue 1, l’international marocain fait aussi des ravages dans les 18 mètres adverses. Depuis son arrivée à Rennes en août 2020, il a déjà inscrit 7 buts en 58 matchs. Entretien exclusif avec « Nayef Airlines » qui est aussi le joueur le plus utilisé cette saison.
Nayef, tu n’as pas raté une minute cette saison. Comment te sens-tu ?
Très bien ! Je n’ai pas le temps de faire beaucoup d’entraînements collectifs mais il y a quand même les séances de veille et d’avant-veille de match. C’est un peu light mais on n’a pas le choix avec l’enchaînements des compétitions. Je suis très content de mon temps de jeu. Je suis venu à Rennes pour ça. Quand on a l’occasion d’enchaîner et de montrer ses qualités, on ne peut pas dire non. Ça montre la confiance du club, du coach et du staff.
Pour enchaîner 22 matchs en 3 mois, il faut une grande hygiène de vie…
Oui, derrière tout ça, il y a un travail avec les préparateurs physiques qui nous suivent de près que ce soit sur ou en dehors du terrain. Ce qui compte, c’est l’entraînement invisible. À force de jouer, je connais bien mon corps. Je suis toujours à l’écouté et je n’hésite pas à parler avec les préparateurs qui ont beaucoup d’expérience dans leur domaine. J’essaie d’apprendre et quand on me conseille des choses utiles pour mon corps et bien je prends. J’essaie de faire attention. Dès que j’ai un moment pour me reposer, je n’hésite pas. J’essaie de bien manger avec l’aide d’un nutritionniste. Il y ce que l’on fait sur le terrain et en salle de musculation puis il y a ce que l’on fait à la maison en récupération.
« quelque chose que je travaille depuis tout petit »
« Air Nayef » ou « Nayef Airlines » ?
Ça me fait rire. J’essaie de jouer avec mes qualités. Le jeu de tête est une de mes armes. Avec les bons tireurs que l’on a, Benjamin Bourigeaud et Lovro Majer, j’essaie de profiter et de gagner mes duels. C’est quelque chose que je travaille depuis tout petit, le jeu de tête et le timing. À Dijon, les joueurs disaient que j’étais un avion, ici dans le vestiaire on me chambre aussi mais il faut garder la tête sur les épaules. Il faut continuer à travailler.
Combien mesures-tu ?
1m90. C’est grand mais ce n’est pas immense. Je suis grand mais fin et sec si on veut. Il y a des joueurs plus balèzes que moi mais dans le football il n’y pas que le physique, il y a pleins de choses, la lecture du jeu, la technique…
Quel est le secret pour marquer autant de buts dans les airs ?
C’est le timing. J’ai joué contre des attaquants plus petits que moi et qui étaient très bons de la tête. Ils savent quand il faut sauter. Depuis l’âge de 12 ans, à l’Académie Mohammed VI, j’ai travaillé mon jeu de tête et ma détente. À force de le faire, ça devient un acquis. J’ai mis plus de buts de la tête qu’avec les pieds, que ce soit à Rennes, à Dijon ou avec le FUS de Rabat. Quand un défenseur a l’opportunité de marquer, c’est souvent sur coup de pied arrêté. Un défenseur qui remonte le terrain avec le ballon et qui tire de loin, ça arrive une fois tous les deux ans (rires). J’essaie de m’impliquer au maximum sur les coups francs et corners.
Tu as hérité du brassard de capitaine à la sortie de Benjamin Bourigeaud jeudi soir. C’est un signe fort !
Ça veut dire que le staff et le coach me font confiance. C’est à moi de la redonner sur le terrain et essayer d’amener l’équipe vers le haut.
Neuf matchs sans défaite, c’est une performance notable.
On est des compétiteurs et on joue tous les matchs pour les gagner mais il est vrai que c’est une série fantastique. Ce n’est pas anodin car il y a du travail derrière tout ça. On a un groupe qui vit très bien en dehors du terrain. On a fait un début de saison moyen mais on n’a pas lâché. On veut continuer sur cette lancée.
« quand l’étincelle n’est pas là, c’est le travail collectif qui prend le relai »
Quelles ont été les ficelles employées par l’entraîneur pour vous relancer ?
Le coach a insisté sur l’état d’esprit et les efforts collectifs. On a des joueurs de qualité mais le championnat est tellement dur que si on ne met pas les ingrédients nécessaires, on ne gagne pas. Si on ne souffre pas sur le terrain, ça ne passe pas. Ça peut des fois passer avec le talent mais quand l’étincelle n’est pas là, c’est le travail collectif qui prend le relai.
Les adversaires se présentent de plus en plus avec un visage défensif. C’est un problème ?
Tout le monde était content après notre victoire 6-0 contre Clermont. C’était un beau spectacle et on n’a pas pris de but. Mais aujourd’hui, on est attendus. Tout le monde sait que Rennes aime avoir la possession et qu’il y a des joueurs qui peuvent faire très mal. Les adversaires sont souvent en bloc bas et nous laissent la possession. C’est à nous de trouver le déséquilibre pour les faire chuter. Ce n’est pas facile mais il faut savoir gagner. À Troyes, j’ai aimé l’état d’esprit du groupe. On n’a rien lâché. La preuve, on a marqué le but de l’égalisation à la fin. À l’extérieur, quand on ne peut pas gagner, il faut ne pas perdre.
Le SRFC a la deuxième meilleure défense de L1 à égalité avec Paris. Des doutes ont pourtant été émis sur la défense en début de saison…
Quand il n’y a pas les résultats, tout le monde parle et tout le monde essaie de trouver des solutions. Ce que j’ai aimé pendant cette période, c’est la confiance accordée par l’entraîneur et les dirigeants aux joueurs recrutés et ceux en place. À Rennes, il y a un travail qui est fait depuis longtemps, des mois, autour de cette équipe. Les joueurs qui sont dans ce groupe le mérite. Il faut aussi donner du temps aux automatismes. On reste sur une série de neuf matchs sans défaite, avec du jeu et du caractère sur le terrain. J’étais concentré sur nous et sur moi quand ça allait moins bien. J’ai toujours eu confiance en ce groupe, je l’ai toujours dit et je le redis. Le staff fait un énorme travail également.
Alfred Gomis participe aussi à ces bons résultats défensifs. Toi qui le connais bien…
Je le connais depuis Dijon. Je sais ce qu’il vaut et ce qu’il peut faire pour le groupe. C’est un gardien de caractère. Malgré tout ce que l’on a entendu, il est resté concentré et travailleur. À l’entraînement, il donne tout sur le terrain. Il n’y a pas de hasard dans le football. Quand on est à l’écoute et que l’on travaille dur, on est performant. On est très content d’avoir Alfred et je sais qu’il va nous aider encore plus.
Lyon sera votre prochain adversaire, ce sera l’affiche de la 13e journée !
Ce sont de bons matchs à jouer. Il y aura du public et j’espère qu’on va gagner. On va essayer de faire les choses bien sur le terrain et de prendre du plaisir. On est prêt !
Alors qu’il reste encore deux matchs de qualification, le Maroc est déjà assuré de participer aux barrages. La semaine prochaine sera sans pression pour ta sélection…
Au Maroc il y a toujours de la pression (rires). Même si l’on gagne la coupe d’Afrique, il y en aura toujours. C’est un peuple très exigeant avec nous et on l’est nous-mêmes. La sélection marocaine est très respectée en Afrique, on a des joueurs qui sont dans de très grands clubs. Il faut profiter de cette génération. Ces deux matchs compteront pour le classement FIFA et la fierté du pays. On va les jouer pour les gagner.
Tu as réussi à convaincre coach Vahid de te faire confiance avec les Lions de l’Atlas.
Je respecte toujours les choix du coach. Si je mérite de jouer, on me met sur le terrain. Si on me met à l’écart, je vais tout faire pour aller chercher ma place. Vahid Halilhodžić m’a donné la chance d’exprimer mes qualités en sélection et il a eu confiance en moi. À mon poste, des joueurs sont très performants dans leur club, ce n’est pas facile mais je suis très content de jouer en sélection et surtout de continuer à progresser.
« Il estime beaucoup ce club. »
T’a-t-il déjà évoqué ses années rennaises ?
Oui quelques fois. Il estime beaucoup ce club. Il a un très grand respect pour la famille Pinault. C’est un club qui l’a marqué. Il a apprécié son passage à Rennes.
Tu as eu quelques mots avec Achraf Hakimi à l’issue de la victoire contre le PSG ?
Je n’aime pas trop chambrer les autres après les défaites car je n’aime pas qu’on le fasse avec moi. Après le match, nous avons pris le même avion pour rejoindre la sélection, il m’a dit que nous avions une équipe fantastique, qu’il avait aimé l’ambiance au Roazhon Park et la prestation de Kamaldeen. Il a dit que la victoire était méritée mais m’a donné très vite rendez-vous pour le match retour au Parc.
Pour conclure, tout se passe bien pour toi à Rennes…
Depuis mon arrivée, on me met à l’aise. En ville, les gens sont très gentils. Ils me parlent beaucoup de foot, comme au Maroc (rires). C’est une belle région, on y ressent cette fierté bretonne, j’aime bien. Au club, les dirigeants ont constitué un bon groupe. Par exemple, en dehors du terrain, pendant les mises au vert, on reste à rigoler à table. Le groupe est soudé et c’est pour ça que je suis confiant. Je salue le travail de Florian Maurice qui sait recruter de bons joueurs, bien éduqués qui plus est, et qui sont dignes de porter le blason du Stade Rennais.
« Un match lors de ma deuxième année en pro avec Rabat, j’avais 19 ans, c’était la saison où l’on gagne le premier titre de champion du club attendu depuis 70 ans. C’était beaucoup d’émotions. En fin de saison, il y a un match où je marque contre mon camp. Je n’étais vraiment pas bien. Le match suivant, le coach me fait confiance et on jouait le titre. Si on perdait ce match, c’était mort. J’ai commencé sur le banc et on marque le premier but vers la 75e minute. Le coach me fait rentrer pour jouer à cinq derrière et garder le résultat. J’entre et l’adversaire égalise devant nos supporters en toute fin de match. C’était très dur. Puis ce qui s’est passé est incroyable. On obtient un corner et le coach me demande de monter. Je lui dis qu’il vaut mieux prendre un point que de perdre, je reste à ma place. Il me dit : "Monte, tu vas marquer " J’étais encore un peu impacté par le but encaissé et je le regarde puis il me répond. "Maintenant, tu arrêtes de me regarder et tu montes". Je monte, je saute et je marque de la tête le but de la victoire. C’était vraiment très fort. Je courais, je pleurais, j’avais les larmes. On gagne les deux matchs suivants et on remporte le titre. C’était un truc incroyable. Je n’oublierai jamais. Ça restera gravé. C’est le meilleur but de ma jeune carrière. Ce coach, c’est Walid Regragui. Il m’a lancé en pro et je suis toujours en contact avec lui. C’est comme mon deuxième père. Il me suit toujours et on reste en contact permanent. »